« Communication de crise. Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a élaboré un plan de communication visant à prévenir les risques de protestation du public contre la coupe des arbres. »
C’est ainsi que commence un rapport dont les auteurs ont reçu un courriel de notre association.
Pour consulter le rapport, cliquer ici
Voici un bref résumé du rapport, pour ceux et celles qui n’auraient pas le temps de le lire :
Le CGAAER a été chargé d’établir un cahier des charges pour une stratégie de communication du secteur de la forêt et du bois.
Elle vise à accompagner l’interprofession nationale de la filière-bois (France Forêt Bois) dans un plan de communication doté d’une enveloppe de 10 millions d’euros sur 3 ans visant à augmenter la consommation de bois en France.
Mais celle-ci se heurte à l’opinion publique alors qu’« un nouveau contexte fondé sur la découverte d’une sensibilité des végétaux est en train de s’installer ». Cela « risque de provoquer une contestation du public contre l’exploitation des forêts, suscitée, notamment, par des ONG hostiles ».
Ces mêmes ONG (page 13) sont pourtant “les ONG environnementalistes et les associations d’usagers de la forêt avec lesquelles il s’agirait de co-construire un programme d’information publique.“
A noter dans le rapport :
– Gilles Clément, Peter Wohlleben et Pierre Lieutaghi seraient le terreau d’un contexte “préoccupant” (page 10).
– au chapitre « contenu de la communication », il est demandé d’éclairer le public sur des réalités méconnues comme :
« A titre indicatif :
◦ Les surfaces de forêts françaises ont doublé depuis un siècle, le stock de bois est trop important par rapport à la production biologique de la forêt, alors que la France est importatrice,
◦ La gestion des forêts françaises est durable, l’exploitation des forêts est une condition de leur santé et de leur fonction de pompe à carbone,
◦ La gestion forestière contribue à la lutte contre le changement climatique,
◦ La certification forestière privée PEFC confirme l’engagement des forestiers dans une gestion durable de qualité de la forêt… »
L’Observatoire des forêts commingeoises, de l’association Nature Comminges, a envoyé le courriel suivant aux co-auteurs du rapport.
L’un d’entre eux, Charles Dereix, nous a répondu, se disant bien intéressé par notre courriel. Nous relayons sa réponse sous notre courriel. La communication, à laquelle nous sommes tout à fait ouverts, est engagée.
Objet : Commentaires suite au Plan de communication de la forêt et du bois
Date : 01-02-2018 15:39
Bonjour,
Je vous écris suite à la publication du rapport sur le site du Ministère de l’Agriculture dont vous êtes le co-auteur.
Notre association, indépendante, agréée pour la protection de la nature et du cadre de vie, anime un Observatoire des forêts des Pyrénées centrales.
Elle est rattachée à la fédération FNE Midi Pyrénées, et je suis le correspondant pour Midi Pyrénées du Réseau forêt de FNE au national.
Notre Observatoire a plusieurs missions que je vous laisse découvrir en cliquant ici.
L’une de nos principales missions est la prise en compte de la biologie des écosystèmes dans la gestion dite durable. C’est à dire que nous travaillons en partenariat étroit avec l’ONF, le CRPF, DDT, DREAL, services de l’Etat … mais je pense toutefois qu’à la lecture du rapport, nous faisons partie des “ONG hostiles” qui y sont mentionnées.
Aujourd’hui, l’Observatoire des forêts des Hautes Pyrénées (le département voisin) animé par l’association régionale Nature Midi Pyrénées, m’envoit des photos d’une coupe rase du 65 (s’apparentant à du défrichement) qu’elle est en train d’investiguer pour savoir si elle a été autorisée par la DDT ou pas, voir les 3 photos jointes (mission de veille écologique).
Comment peut-on faire accepter au grand public, aux riverains, aux associations des pratiques aussi déconnectées du milieu naturel ??
Si les décideurs sont prêts à intégrer à la campagne de communication que la sylviculture doit se faire dans le respect du milieu naturel, des habitats forestiers sensibles, de la multifonctionnalité, d’une gestion soutenable … là, effectivement, une solution allant dans le sens de la multifonctionnalité pourra être trouvée.
Je pense que c’est le message de la plupart des ONG que vous citez, qui représentent tout de même la voix de la société civile. Leur position n’est pas de s’opposer aux coupes, mais de que soit pratiquée, en forêt exploitée, une sylviculture maintenant l’état boisé et le couvert forestier permanent, le mélange d’espèces et d’âges, qui est loin d’être improductif ou financièrement irréalisable. De nombreux experts forestiers iraient ici dans mon sens. Dans ce cas, les ONG dont vous parlez, seront tout à fait preneuses de s’asseoir autour de la table.
Mais ce ne sera pas le cas, au vu du document, et parce que les demandes actuelles au sein des CRFB (Commissions Régionales Forêt Bois) sont des subventions allouées au nom du réchauffement climatique destinées à des coupes rases suivies de plantations de Douglas, à une industrialisation de la production, à mobiliser du Bois + en montagne (alors que 40 % restent invendus) … les demandes qui « ne passent pas » sont entre autres, des prélèvements de plus en plus forts, des récoltes passant pour de la sylviculture (coupes de régénération successives prélevant tous les gros bois et visant à uniformiser la forêt), des travaux par temps humides dont les ornières de 1 mètre de profondeur choquent habitants et randonneurs… et elles font face en raison de cela à de plus en plus de contestations, notamment de riverains et d’associations.
Si l’Etat veut soutenir une filière compétitive car produisant de manière intensive et dont le respect du milieu naturel se limite aux effets d’annonce, effectivement, il trouvera face à elle des ONG hostiles, un grand public hostile, et se heurtera à du rejet et des complications de la part des riverains.
La vidéo “pour nous, c’est le bois” filmée dans une plantation de Douglas (!), est déjà largement commentée par nos associations.
Il devrait y avoir un autre chemin, que je ne vois malheureusement pas apparaître dans ce document, où il semble que les ONG soient d’un côté et les professionnels du bois de l’autre.
Un chemin où l’amélioration est mieux cotée que l’artificialisation d’un milieu par la transformation, qui respecte la bonne santé écologique du milieu tout en permettant une sylviculture compétitive. La volonté de retour de 20% de feuillus dans les forêts de résineux du Plateau de Sault y est ici dans les Pyrénées un exemple approprié.
D’où ce message visant à clarifier les intentions des associations de protection de la nature que je ne représente pas dans ce message (je ne représente ici que Nature Comminges) mais dont je connais certains de ses représentants. La sylviculture oui, mais pas n’importe laquelle. L’avenir de la filière-bois ne peut pas être dissociée des fonctionnalités et de la vie de la forêt. S’il y a frein de notre côté et de celui de l’opinion publique de plus en plus sensibilisée, c’est qu’il y a déséquilibre dans vos propositions.
Je pense que la balle est dans votre camp pour rectifier le tir, et que celui-ci pourrait l’être, mais pas dans une déconnexion des réalités de la forêt, qui est avant tout un milieu naturel, telle qu’elle existe actuellement.
Cordialement,
L‘Observatoire des forêts commingeoises
Les photos citées dans le texte concernent le département des Hautes Pyrénées et sont publiées ci-dessous :
Le 09-02-2018 08:17, Charles DEREIX a écrit :
Monsieur Philippe Falbet, bonjour
et merci de ce courrier qui m’a bien intéressé. Il montre combien on peut vite mal se comprendre. Il confirme la nécessité du dialogue que le rapport prône avec la recommandation d’un groupe de travail réunissant l’administration, les opérateurs et les ONGe qui le voudront bien, ainsi qu’avec celle d’un dispositif de communication de proximité.
Votre courrier étant quelque peu “cash”, je prends la liberté d’y répondre sur le même ton en insérant des réactions au long de votre message.
Je ne manquerai pas de faire suivre notre échange à la sous-direction en charge de la forêt : elle est la destinataire première de notre rapport et de nos recommandations.
Pour ma part, je me dis qu’un représentant d’association, ancré comme vous l’êtes dans les réalités du terrain, pourrait apporter une contribution pertinente au travail de réflexion et de construction de l’argumentaire grand public que nous suggérons.
Moi aussi, j’en appelle à une sylviculture multifonctionnelle en harmonie avec les fonctionnalités et la vie de la forêt.
Bien cordialement,
Charles Dereix
Au vu des photos de coupe, je me demande combien de temps le talus tiendra encore avant de se retrouver sur la route…